En cette année de commémoration de la fin de la Seconde guerre mondiale, le Collège ixellois vient de refuser l’accueil d’une exposition dans la Maison communale sur l’histoire de la Belgique de 1914 à 1945. « Parce que cela pourrait choquer les visiteurs notamment lors de leur venue à l’occasion des mariages » ! Alors que cette même exposition a par exemple été accueillie au sein de la Maison communale d’Evere. Pour Bertrand Wert, conseiller communal ECOLO à Ixelles, c’est « Regrettable, incompréhensible et pas à la hauteur des enjeux ! « 


Des pavés de mémoire

Pour rappel, c’est le conseiller ECOLO Bertrand Wert qui avait fait connaître au Collège en octobre dernier la pose de « pavés de mémoire » à Ixelles. A cette époque, il avait obtenu l’engagement du Bourgmestre d’organiser une cérémonie d’inauguration de ces pavés ixellois courant 2015. Il avait aussi et surtout obtenu un engagement pour l’organisation dans les écoles ixelloises des témoignages de Paul Sobol, rescapé d’Auschwitz-Birkenau, arrêté à Ixelles le 13 juin 1944.

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Il en a fallu des relances et de la persévérance pour arriver à fixer les trois dates des témoignages qui auront lieu le 20 mars Institut Technique René Cartigny, le 24 mars à l’Athénée Charles Janssens, ACJ et le 26 mars à l’Ecole Professionnelle Edmond Peeters.

En attendant, comme l’explique Bertrand Wert, par ailleurs très impliqué dans une institution d’histoire, de mémoire et de pédagogie dédiée à la seconde guerre mondiale : « les témoignages en tant que tels sont très intéressants d’un point de vue humain. Ils stimulent le ressenti des élèves et leurs donne à entendre et voir un des derniers témoins directs vivant en Belgique de ce que fut la Seconde Guerre Mondiale et l’une de ces pages les plus horribles : le système d’extermination des Juifs d’Europe et d’autres populations dont les tziganes. C’est ce genre d’expérience dont les élèves se souviendront longtemps et qui participe de leur éducation à la citoyenneté».

Une exposition produite par la Fondation Auschwitz

Et le conseiller d’ajouter : « Mais un témoignage doit aussi et surtout être préparé. Il nécessite en amont, comme en aval, un travail avec les professeurs pour rappeler le contexte, l’enchaînement des évènements et la complexité de la période. Sous peine de laisser les enfants devant la brutalité de l’expérience, le traumatisme ou l’aspect sensationnel porté par le témoin. Pour cela l’exposition sur l’histoire de la Belgique de 1914 à 1945 produite par la Fondation Auschwitz en partenariat avec plusieurs historiens et muséographes belges et européennes est extrêmement bien faite ».

Pour la Fondation Auschwitz « cette exposition est tout autant mémorielle qu’historique. Elle tâche de répondre à la question : comment transmettre une histoire qui ne relève pas seulement de la Grande Histoire, mais tient aussi à des expériences de groupes et d’individus auxquelles nous avons accès par des témoignages et des documents qui forment maintenant ce que l’on nomme des archives ? C’est pourquoi, cette exposition retrace des parcours de témoins exemplaires aux destins trop souvent brisés par la tourmente et la complexité de la période la plus criminelle que l’humanité ait jamais connue. Parmi ces destins, on rencontre également ceux d’individus, Juifs et non-Juifs, qui entrent en résistance. Action, contre-propagande et sauvetage ». (extrait du catalogue)

Une exposition qui présente plusieurs exemples ixellois de résistance

Une complexité de la période qui est très bien rappelée dans l’exposition où plusieurs exemples ixellois sont présentés. En effet, sur la même commune d’Ixelles se croisaient bourreaux, collaborateurs, résistants et victimes. On peut rappeler :

  • le siège de la Gestapo en Belgique où les SS rencontraient les collaborateurs et qui était installé avenue Louise,
  • les planques d’enfants juifs placés dans des familles d’accueil – comme rue de l’Ordre à Ixelles, au cœur de la cité Volta, chez Germaine Favresse (lire le Journal du Foyer ixellois), placements souvent réalisés par Andrée Geulen, autre ixelloise, elle aussi « Juste parmi les nations » ;
  • Les étudiants de l’ULB fusillés ou morts en déportation, tels ceux du Groupe G ;
  • L’étudiant et résistant Arnaud Fraiteur – membre de l’armée belge des Partisans -, dont un pont porte le nom à Ixelles, et dont l’arrestation, le jugement et la fin tragique à 20 ans à peine…

Tous sont évoquées dans l’exposition « BELGIQUE 1914-1945 : Parcours de témoins au cœur de la tourmente » .

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Une exposition qui relate aussi les nombreuses activités de résistance de la police ixelloise qui paya un très lourd tribut. L’exposition rappelle notamment le parcours de Georges de Bleser né à Ixelles en 1911, engagé dans la police d’Ixelles en 1937, et qui devient agent de quartier. Dénoncé par un agent infiltré, il est arrêté à son domicile en septembre 1942. Après un an de détention à la prison de Saint-Gilles, à Breendonk et à la prison de Forest, il est déporté au camp de concentration de Natzweiler, puis à Buchenwald d’où il reviendra, contrairement à tous les agents de police et officiers listés sur la plaque qui orne le poste central de police Place Fernand Cocq.

Pas d’expo dans la Maison communale… à cause des mariages !

Alors, comme comprendre que le Collège n’ait pas permis la présentation de cette exposition dans la Maison communale? Il en avait été discuté et admis lors d’une réunion le 6 février dernier en présence des représentants de l’Association pour la Mémoire de la Shoah, de la Fondation Auschwitz, du conseiller ECOLO et de Paul Sobol en personne que le lieu semblait idéal d’un point de vue central et symbolique. Les panneaux modulables pouvaient être intelligemment agencés pour permettre la visite des classes entre le hall d’accueil du pavillon Malibran et le au premier étage du même bâtiment.

Les trois échevins présents à la réunion s’étaient engagés à défendre l’idée en Collège, mais il leurs a été rétorqué par la future Bourgmestre que cela pourrait choquer les visiteurs notamment lors de leur venue à l’occasion des mariages…

Pas à la hauteur des enjeux…

Et Bertrand Wert de conclure pour le groupe ECOLO : « comment comprendre dans le contexte actuel que nos responsables communaux invoquent le fait que les gens participant au mariage pourraient être choqués pour repousser l’idée d’accueillir cette exposition sur l’histoire de la Belgique de 1914 à 1945? Alors que cette exposition vise à préparer au mieux les écoles ixelloises au témoigne de Paul Sobol, arrêté à Ixelles le 13 juin 1944, mais aussi à les aider dans leur travail de réflexion sur l’une des périodes les plus noir du XXe siècle, travail essentiel dans leur formation scolaire et citoyenne. Une exposition qui finalement rend hommage à notre commune et à ses figures de résistance notamment à son corps de police. Une exposition à laquelle une très grande visibilité pourrait être donnée si elle était accueillie à la Maison communale.
Décidément nos autorités communales ne sont pas à la hauteur des enjeux. »

Photos

  • Livret de l’exposition « BELGIQUE 1914-1945 : Parcours de témoins au cœur de la tourmente » (c) Fondation Auschwitz
  • Paul Sobol photograghié en 2015 devant l’entrée principale de la Maison communale d’Ixelles où il s’est marié en 1947 (c) Bertrand Wert
  • plaque commémorative aux membres du corps de police ixellois morts pour la patrie rue du Collège (c) Bertrand Wert